Bradley Manning : « un soldat de la vérité »

1 Mars 2013


1000 jours en détention provisoire, et pas l'ombre d'un procès pour Bradley Manning. La justice américaine a rejeté mardi une requête de la défense réclamant l'abandon des charges contre le soldat « taupe » de Wikileaks, accusé de « collusion avec l'ennemi ».


Il risque la prison à vie. À 25 ans, certains le considèrent comme un traître, d'autres comme un héros. Arrêté le 28 mai 2010 et poursuivi pour avoir communiqué au site Wikileaks des documents confidentiels, il a passé samedi le cap des 1000 jours en détention provisoire. Les documents en question, une vidéo titrée « Collateral Murder » mettant en lumière le raid aérien de l'armée américaine en Irak, le 12 juillet 2007 à Bagdad. Plus conséquente encore, la diffusion des 260 000 télégrammes du Département d'Etat, a déclenché une tornade diplomatique mondiale. Concrètement, des documents qu'il aurait téléchargés du gouvernement sur les guerres en Irak et en Afghanistan, rendus publics par Wikileaks.

Alors que la juge militaire Denise Lind annonçait que « la motion pour abandonner les charges était rejetée » - son avocat David Coombs dénonçait l'armée d'avancer à « un rythme d'escargot », et de « violer les droits de son client à être jugé dans un délai raisonnable. » Formellement inculpé que le 23 février 2012, la juge a estimé que « le gouvernement a travaillé avec diligence, chacun des sept délais demandés par le gouvernement étant justifié ». Cette démarche devrait donc être encouragée, a-t-elle précisé, avant de rappeler que plus de 380 000 pages de documents pourraient être utilisées comme éléments à charges.

Forcé à dormir nu dans sa cellule

« Mais le plus étonnant, dans cette affaire, c’est que le gouvernement n’a aucune réponse adaptée à un événement de ce type, à part infliger un traitement honteux », écrit The Atlantic au sujet de l'affaire. Soumis à un isolement carcéral maximum à la prison de Quantico, il est clair que les conditions de sa détention sont déplorables. L'ONU a même qualifié cette prison « d'inhumaine ». Certains rappellent même que son isolement est comparable à une situation de torture psychologique. Selon son avocat David Coombs, le soldat avait été forcé pendant de longs mois à dormir nu dans sa cellule.

Bradley Manning comparaissait en novembre 2012 devant une cour martiale à Fort Meade pour une audience autour de son régime carcéral sévère, imposé par le gouvernement américain. L'ancien commandant de la prison, Daniel Choike, a en effet avoué avoir été informé de l'importance du cas à l'arrivée du soldat. Conscient des risques de suicide, mais surtout de la couverture médiatique de l'affaire, il admet que le prisonnier n'avait droit qu'à « une heure de soleil par jour ». Or, il n'aura désormais que 20 petites minutes de soleil quotidiennes. A quoi vient s'ajouter l'interdiction de lire plus d'un livre à la fois, ou de faire de l'exercice dans sa cellule. Placé sous le régime de Prevention of Injury, un statut de surveillance maximale, l'homme a subi un contrôle visuel toutes les 5 minutes.

Bradley Manning a réclamé de ne plus être soumis à ce régime restrictif, que les expertises psychiatriques jugeaient injustifié. Une sévérité telle que la justice lui a récemment accordé une réduction de peine de 112 jours en cas de condamnation à l'issue de son procès, prévu pour juin prochain.

Héros de la démocratie

Le monde entier s'est mobilisé pour marquer le 1000ème jour de sa détention, samedi dernier. Ainsi, à New York, Berlin ou Melbourne, des activistes ont manifesté pour lui. L'organisation flamande Vrede vzw a même organisé une veillée de protestation samedi devant l'ambassade américaine à Bruxelles. D'autant plus que l'ancien analyste doit comparaître cette semaine devant une cour martiale. Un comité de soutien a été créé par un citoyen américain vivant en Slovaquie, afin de soulever des fonds pour payer les frais d'avocat du jeune homme. Des personnalités ont rejoint le comité, comme le réalisateur engagé Michael Moore, l'ancien agent de la CIA et militant politique Ray McGovern et d'autres encore. Wikileaks a aussi contribué au comité à hauteur de 15 000 euros. Malgré l'accusation de collusion avec l'ennemi, certains le considèrent comme un héros de la démocratie, un héros de la transparence. Il a tout de même contribué à publier la vérité. Un espoir est encore envisageable. Charles Merlen, avocat à Lille, a remporté dimanche le concours international de plaidoiries pour les droits de l'Homme. L'avocat défendait la cause du soldat. Dénonçant les dérives de son arrestation, il a souligné la façon dont il a été traité. Sa plaidoirie ? « Bradley Manning, un soldat de la vérité. »



Rédactrice pour Le Journal International, étudiante en 3ème année de journalisme à l'ISCPA. En savoir plus sur cet auteur